top of page

Saint Jack de Paul Theroux

  • Serge Perrin Merinos
  • 20 mars
  • 3 min de lecture

"Saint Jack" de Paul Theroux est un roman à la fois sombrement humoristique et profondément touchant. C'est le portrait poignant de Jack Flowers, un proxénète expatrié américain qui vivote dans le Singapour des années 1970. À 53 ans, Jack n'est plus le jeune nouveau venu aux yeux écarquillés qu'il était autrefois ; c'est un habitué de la scène des bars locaux, confronté à sa propre mortalité et à un sentiment lancinant de solitude.


Saint Jack. Paul Theroux. Editions Penguin
Saint Jack. Paul Theroux. Editions Penguin

Bien avant qu'il ne devienne "l'homme des trains", comme on le connaît surtout, Paul Theroux était romancier, écrivant des livres sur des Américains paumés à l'étranger comme The Jungle Lovers, The Mosquito Coast et Saint Jack. Et bien que je n’aie pas d'expérience directe de Singapour dans les années 1970 (y vivant seulement depuis 1994), j'ai l'impression que sa vision de Singapour et de sa communauté d'expatriés au début des années 1970 est juste.


Ce qui m'a le plus frappé dans "Saint Jack", c'est sa complexité. Jack est, de par son métier, un proxénète, mais Theroux le façonne avec une telle nuance qu'il devient une figure étonnamment sympathique. Ce n'est pas un criminel endurci, mais plutôt un pragmatique naviguant dans un monde moralement ambigu. Il a son propre code, un "cœur d'or", et une réflexion philosophique surprenante. Il est spirituel et conscient de lui-même, racontant son histoire avec un charme de rue qui nous attire dans son monde.


Theroux évoque magistralement l'atmosphère du Singapour des années 1970, un monde assez différent de la métropole étincelante d'aujourd'hui. Quoique… C'est un endroit rude, humide et vibrant, rempli d'expatriés buveurs, de gangsters locaux et d'une industrie du sexe florissante. Les descriptions sont si vives que je me suis senti transporté dans les bars enfumés et les ruelles louches que Jack fréquente. Ce n'est pas le Singapour que l'on voit autour de Raffles Place ou dans le nouveau Quartier Central des Affaires (CBD) de Singapour ; c'est un regard brut et sans filtre sur les bas-fonds de la ville.


Le roman ne porte pas seulement sur le métier de Jack ; il parle du vieillissement, de la solitude et de la poursuite insaisissable du "rêve parfait de magie". Le désir de Jack pour quelque chose de plus que son existence actuelle résonne profondément, alors même qu'il est pris dans des manigances de la CIA et des démêlés avec des criminels locaux. La mort soudaine d'un autre expatrié sert de rappel brutal de la fragilité de la vie et oblige Jack à affronter sa propre mortalité.


On compare souvent ce Theroux avec Graham Greene, et je peux voir les parallèles dans les personnages moralement ambigus et l'exploration de dilemmes moraux complexes. Mais Theroux apporte sa propre voix et sa propre perspective. L'humour dans "Saint Jack" est souvent noir et subversif, masquant un profond courant de tristesse et de désillusion.


Je suis également intrigué par le fait que le livre ait été initialement interdit à Singapour. Cela témoigne du pouvoir de l'écriture de Theroux à capturer une facette de la ville qui était peut-être inconfortable pour les autorités. Cela ajoute certainement une autre couche de contexte historique au récit.


"Saint Jack" est un roman assez mémorable avec un protagoniste attachant. Pour ceux qui cherchent un livre qui offre une perspective unique sur la vie d'expatrié, l'Asie du Sud-Est ou simplement une étude de personnage bien construite, c’est à recommander. C'est une lecture poignante, drôle et finalement stimulante qui restera avec vous longtemps après avoir tourné la dernière page.


L'écrivain :


Paul Theroux (né en 1941) est un romancier et écrivain de voyage américain renommé, connu pour ses voyages immersifs et ses observations perspicaces sur la culture et l'identité. Parmi ses œuvres notables figurent « Le Grand Bazar ferroviaire », « La Côte des moustiques » et « Le Coq de fer ». Son écriture se caractérise souvent par des descriptions vivantes, des commentaires sociaux incisifs et un ton parfois cynique.



Saint Jack, de Paul Theroux : La première édition en anglais date de 1973 par Houghton Mifflin. Il a été réédité en 2011 par Penguin et une édition en livre audio par Harper Audio est annoncée pour le 20 mai 2025 (ouvert à la précommande).

Des éditions en allemand et en espagnol existent. Nous n’avons malheureusement pas rencontré d’édition française et appelons les éditeurs francophones à s’emparer de ce texte. 


Commentaires


Critiques récentes

Abonnez-vous pour découvrir en avant-première nos critiques de livres et tout sur la littérature et la culture asiatique.

Merci pour votre abonnement !

La Revue littéraire de Shanghai et d'Orient : ISSN 3074-9832   

  • Instagram
  • Facebook
  • LinkedIn

© 2035 by The Global Morning. Powered and secured by Wix

bottom of page