Tanamera de Noël Barber

Un Voyage Émotionnel à Travers le Singapour Colonial

Plongez dans l'histoire fascinante de Singapour à travers les yeux de deux amants interdits dans "Tanamera" de Noel Barber. 

À la fin de la saison des pluies, en grande passionnée de ce roman, j’ai fait une promenade nostalgique dans le quartier de Wessex à Singapour. Au milieu de la jungle, entre des banians centenaires, j’ai admiré les maisons "Black et White" de cet endroit magique. Armée de mon appareil photo, j’ai passé quelques heures au milieu de ces six blocs d'appartements de plain-pied datant des années 1930.

Tanamera roman. Noël Barber. Editions Belfond

Dans les années 1940, Wessex Estate abritait environ 240 familles de militaires britanniques travaillant dans les installations voisines. Je prenais des photos et je me demandais dans quel bâtiment Johnnie Dexter et Julie Soong avaient caché leur idylle interdite. Je me souviens très bien de ces chapitres où ils se retrouvent et habitent enfin comme un vrai couple dans un bâtiment laissé à l’abandon. C’est peut-être le moment le plus émouvant de cette grande saga familiale.

Ces deux protagonistes que l’on a suivis depuis leur enfance, ceux dont on était sûr qu’ils tomberaient l’un pour l’autre, sont enfin un couple. Ils ont enfin une vie ensemble où ils se retrouvent tous les soirs malgré les circonstances terribles de la Seconde Guerre mondiale. "Tanamera", cette grande saga de deux dynasties, l'une anglaise et l'autre chinoise, a accompagné mes premiers pas de résidente à Singapour en 2017. C’est dans ce roman que je me plongeais tous les soirs en rentrant du travail.

Malgré mes efforts, ma connaissance de la Seconde Guerre mondiale en Asie du Sud-Est était très limitée. C’est Noel Barber qui m’en a enseigné les bases et qui m’a donné envie d’en savoir plus. Grâce à cette saga très engageante, il a créé une échelle du temps assez facile à retenir dont je me sers encore aujourd’hui. Il a aussi été un excellent professeur de la géographie de mon nouveau pays. Je me souviens très bien du jour où j’ai visité l’hôpital d’Alexandra tout simplement parce que Julie Soong y avait travaillé. J’ai arpenté les salles une par une en me demandant si celle que j’admirais était celle dans laquelle elle avait été employée. J’en connaissais déjà l’atmosphère, j’en avais déjà retenu l’architecture si particulière.

"Tanamera" m’a aussi montré que les stigmates du passé britannique n’étaient pas vraiment effacées. Certains de mes collègues m’ont jeté des regards surpris et suspicieux quand j’ai partagé avec eux ma lecture récente de cette saga. Étais-je au courant que Noel Barber n’avait décrit qu’une partie de l’Histoire avec un H, qu’il n’avait pas vraiment laissé leur place aux Malais, aux Indiens et à toutes les communautés qui font aujourd’hui la République ? Je me doutais en effet que je tenais seulement un tout petit morceau de ces heures sombres.

Je m’imaginais qu’il y avait tant à rechercher, tant à découvrir, tant à apprendre de l’histoire de « Syonan », le nom japonais de Singapour pendant la guerre. Je suis redevable à "Tanamera". Je ne rejette pas la saga, le roman et le biais britannique. Depuis mes relectures, j’ai intégré ces dimensions complexes et je me suis laissé emporter par le plaisir de l’intrigue. C’est un roman très bien construit, très bien écrit qui vous tient en haleine du début à la fin.

N’en déplaise au « politiquement correct » de mon nouveau pays, c’est un ouvrage que j’aime offrir aux nouveaux arrivants. Si vous voulez en savoir un peu plus sur Singapour pendant la Seconde Guerre mondiale, je vous recommande de vous lancer dans cette lecture. Vous ne risquez pas d’être déçu.

Tanamera, de Noël Barber – 540 pages - Publié en traduction française aux Editions Belfond.

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