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Le nouveau monde littéraire chinois

  • Tang Loaec
  • 23 sept. 2024
  • 3 min de lecture

Dernière mise à jour : 29 sept. 2024

De nouveaux livres chinois sont arrivés régulièrement, avec de plus en plus de visibilité, sur les tables des libraires français, pendant les deux dernières décennies. 


La littérature chinoise – affaire de spécialistes jusqu’au début des années 1990 – est propulsée au cœur des discussions, à mesure que la Chine devient un moteur de la croissance planétaire au centre du débat public mondial.


 Longtemps relégué au rang de marché de niche, n’attirant que les amateurs d’auteurs dissidents ou censurés, le livre chinois conquiert le grand public français et son succès obéit à de nouvelles règles : ce sont désormais les ouvrages bénéficiant de gros tirages en Chine qui rayonnent au-delà des frontières, à l’instar de Totem du loup de Jiang Rong et de Brothers de Yue Hua. 


Certes, la visibilité apportée par le cinéma chinois en plein essor invite-t-elle aussi à la lecture des œuvres qui ont inspiré des films tels qu’In the Mood for Love de Wong Kar Wai ou Lust, Caution d' Ang Lee. Mais la transformation explosive de l’univers littéraire chinois reste la cause première de ce dynamisme commercial. 


Dans les années 1980, un véritable dégel de la Chine permit de décupler l’accès des Chinois à une littérature diversifiée. Un vent de libéralisation a soufflé – libéralisation dont l’importance est souvent mal perçue en France puisqu’elle ne s’apparente pas à une liberté complète : censure a posteriori et autocensure restent de mise. Mais comparé au verrouillage total et à la persécution permanente de tout artiste non révolutionnaire qui prévalait durant les deux précédentes décennies, le champ de la liberté privée s’est considérablement étendu (en matière d’écriture comme ailleurs, pour autant qu’elle ne s’apparente pas à de la contestation politique). 


Dans cet univers de liberté relative, des écrivains à la plume sarcastique nous ont permis de partager le regard que les Chinois portent sur eux-mêmes et leur époque. Parmi eux, Yue Hua, Yan Lianke et Wang Xiaobo nous livrent au travers leurs œuvres souvent ironiques le récit têtu de la vie dans un monde parfois peu compréhensible.


Parfois, des Occidentaux immergés dans le monde chinois leur font écho, tout comme des Chinois émigrés, pour livrer avec tendresse ou âpreté un autre regard sur leur première ou seconde patrie. 


Une seconde métamorphose du rapport au livre s’opère dans la Chine émergente du troisième millénaire. Le pays – qui connaît une mutation massive et brutale par rapport à la terre d’ancienne culture chère aux professeurs de civilisation chinoise – renouera peut-être avec son héritage. Mais pour l’instant, il se construit dans le présent ou dans le futur immédiat, bien plus qu’en Europe et peut-être même plus qu’aux États-Unis : croissance économique, nouvelles technologies, implication de toute une tranche de la population âgée de 15 à 30 ans qui ne se reconnaît pas plus dans la Révolution culturelle que dans la Chine des concessions ou la Chine impériale… 


Cette nouvelle génération appelle de nouveaux auteurs. Wei Hui (Shanghai Baby) et Mien Mien (Bonbons chinois) en sont des exemples assez symptomatiques, quoique parfois peu heureux d’un point de vue littéraire. Cette nouvelle génération appelle également de nouveaux canaux de diffusion – notamment les blogs (donnant lieu, ou pas, à des publications sur papier) –, avec une prééminence croissante des portails sociaux littéraires ou généralistes sur les circuits de librairie classique, dans la diffusion de titres à succès (lancement de Harry Potter) comme dans l’émergence des nouveaux auteurs contemporains. 


Parmi eux, Lin Qianyu – grand prix d’écriture en ligne du plus connu des portails internet chinois : Sina.com – et Guo Jingming, le plus lu et le plus riche des jeunes auteurs à succès, quoique devenu le plus détesté à la suite d’accusations de plagiat. Proches du registre de l’heroïc-fantasy, ou de la science-fiction, ces auteurs ont un impact sur l’univers du livre et leur audience faramineuse les positionne comme des figures centrales de l’économie des maisons d’édition à l’échelle chinoise – le cinquième de la population mondiale –, comme J.K. Rowling à l’échelle mondiale. Plus récemment encore, Liu Cixin, auteur du Problème à trois corps, publié en traduction française par Actes Sud, à été lui aussi promu à une renommée mondiale, à la suite de son adaptation pour Netflix par les producteurs de Games of Thrones, qui a fait suite à une première adaptation en Chine par Tencent Vidéo. 


Les adolescents et les jeunes adultes chinois lisent aujourd’hui beaucoup plus que leurs aînés – les 30-45 ans ayant pour principal credo le succès économique et les plus de 50 ans restant marqués par un manque d’accès à la littérature qu’ils ne parviennent pas à dépasser. Il sera intéressant de suivre, à mesure de leur entrée dans le monde, la maturation de leurs lectures et de leur écriture, s’ils doivent donner forme au monde littéraire de demain. Dresser un panorama des littératures de la Chine actuelle suppose de ne faire l’économie d’aucun de ces volets… et cette revue essaie justement de vous offrir un « grand angle ».


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La Revue littéraire de Shanghai et d'Orient : ISSN 3074-9832   

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