Généalogie du mal de You-Jeong Jeong
- Marguerite Giry
- 27 août
- 2 min de lecture
Ou comment l’inimaginable ne cesse de franchir des limites
Il est de ces livres qu’il vaut mieux laisser le lecteur découvrir par lui-même. Je vais donc me contenter d’une seule phrase : Han Yujin, un jeune garçon de 26 ans, pris en otage toute sa vie par une mère veuve, obsédée par le contrôle, se réveille avec l’odeur du sang de sa mère gisant au sol, en bas des escaliers, sans le moindre souvenir de la veille.

L’autrice, You-Jeong Jeong, une Coréenne infirmière de formation, est connue pour être l’une des auteur.ices les plus apprécié.es en Corée du Sud pour ses thrillers et crimes psychologiques. Elle est, d’ailleurs, souvent comparée à Stephen King, et ça n’est pas pour rien. You-Jeong Jeong tisse habilement et avec finesse la trame narrative de l’histoire, mêlant vérité et mensonge de sorte que le lecteur ait une visibilité trouble sur les évènements qu’il découvre. Le narrateur, Yujin, est des personnages les plus moralement gris, que l’on peine à décrypter : est-il une victime ou non ? Biaisé par sa vision du monde, ses souvenirs lui reviennent petit à petit et lui permettent de rassembler les pièces du puzzle. Mais comment lui faire confiance quand ses pensées ne semblent pas correspondre à la réalité ? Quelle est la vérité ? Qui est réellement la victime ?
L’histoire sombre dans les mémoires de son enfance. La brutalité des non-dits, qui refont surface quand on ne s’y attend pas ; le récit des uns qui se confrontent à celui des autres ; la pression formelle d’une pathologie cachée au principal souffrant, rendant Yujin incapable de comprendre son propre corps et son esprit. Tous les personnages sont autant coupables que victimes, mais jusqu’où le narrateur nous ment-il ? Peut-être dit-il la vérité et ce sont ses proches qui le trompent ?
L’écrivaine nous offre un récit poignant et intrigant qui nous tient en haleine, nous empêchant de deviner la suite. Par des montagnes russes d’émotions qu’elle nous inflige grâce à sa plume habile et réfléchie, nous sommes plongés dans la peau d’un jeune garçon de 26 ans atteint de troubles psychiques qu’il surnomme « sa maladie de chien ». Pourtant, Yujin est un bon garçon. Il est studieux, étudie le droit à l’université, ancien jeune espoir national de natation, et supporte les traitements intensifs que sa tante psychiatre lui prescrit sans lui expliquer pourquoi.
Alors, qui est vraiment le monstre dans cette histoire ?
Une plongée vertigineuse qui ne cesse de s’accélérer, s’enfonçant toujours plus profondément dans les abysses psychologiques d’un meurtrier. Impossible de lâcher le livre tant la tension et le trouble nous poussent à tourner encore et encore les pages. L’autrice nous prouve à quel point l’histoire n’est qu’une question de perspective.
J’aimerais pouvoir, comme Yujin, oublier cette histoire et la redécouvrir à nouveau ; ressentir encore la sensation de perdre l’équilibre à chaque page, et m’entendre suffoquer à la lecture de ces mots, dont il est dur d’accepter la vérité.
« L'oubli est le mensonge le plus abouti, le mensonge le plus parfait que l'on puisse faire à soi-même. »
Généalogie du mal, un roman de You-Jeong Jeong, a été publié dans une traduction française de Kyungran Choi et Pierre Bisiou, aux Editions Picquier.









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