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L’affaire Midori de Karyn Nishimura

  • Tang Loaec
  • 31 oct. 2024
  • 3 min de lecture

Dernière mise à jour : 22 janv.

Ce roman porte un regard indulgent sur les êtres humains qu’il évoque, en même temps qu’un regard sévère sur la société japonaise. Son autrice, née Poupée, porte sur la jaquette du livre le nom japonais de Nishimura, puisque née française elle a épousé ce pays en même temps que son mari. 


Le mari porte d’ailleurs souvent en miroir un regard sur les Français, au travers la bande-dessinée qu’il pratique, ou doit-on dire le roman graphique ? Nous en parlerons une autre fois.

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Le regard d’une française au Japon, tendresse et distance, tendresse et incompréhension. Epouser un pays ne garantit pas de pouvoir adhérer à son consensus, et le japon est une société structurée, en apparence soudée, même si elle compte ses laissés-pour-compte et ses sacrifiés.


Elle prend le sujet au croisement de plusieurs fractures de la société japonaise. Les catastrophes atomiques, les infanticides, la peine de mort. 


La Midori de ce roman n’est pas simple à faire aimer au lecteur. Mère célibataire, jeune et isolée, elle est ballotée par la vie, une société qui consomme les jeunes filles en perte de repères comme accessoires décoratifs ou sexuels dans un monde d’hommes.


Midori se perd beaucoup plus loin que d’autres. Allant de refuges et d’assistance sociale, à des appartements prêtés par des souteneurs, elle vit avec sa fille qu’elle doit parfois laisser seule, parfois laisser à la porte de son logement, pour mener son métier de fortune. 


Mauvaise mère, mauvaise fille, ou victime de la déliquescence de la société japonaise face aux failles laissées béantes par le raz-de-marée et la catastrophe nucléaire de Fukushima qui s’en est ensuivi ? 


Mauvaise en quoi ? Pas seulement de négligence maternelle, malheureusement. Enceinte de jumeaux, issus sans doute de la semence d’un client inconnu, elle les tue à leur naissance, les étrangle et dissimule les corps dans une consigne, avec une méthode brouillonne mais qui documente la préméditation.  Peu de temps après, c’est sa fille qu’elle tue et qu’elle démembre pour en cacher le corps.


L’horreur absolue, dans sa plus terrible nudité. C’est une réalité objective. Ni la coupable, ni ses avocats ne peuvent tenter de la nier.


Alors, pour qu’il y ait quand même plaidoirie, pour qu’il y ait quand même ce roman dont la quatrième de couverture dit que « presque tout est vrai », avocats et autrice vont invoquer la catastrophe à l’échelle de la société qu’a représenté le tsunami et la catastrophe nucléaire de Fukushima, comme le ressort dramatique qui a mis en branle la mécanique du drame. Évidemment cette catastrophe a détruit des vies, a déraciné en grand nombre familles et individus, dont certains ne se sont jamais remis. D’autres si.


Face au désastre, toutes les personnes n’ont pas la même capacité à faire face. Certains se relèvent et marchent.  Aident d’autres à se relever. Certains restent terrassés. Il serait déraisonnable d’attendre de tous la même résilience, la même force d’âme. Que la vie d’une Midori aurait sans la catastrophe nucléaire pris un autre tour, pourquoi pas. Très probablement même.


Mais si l’on croit un tant soit peu à la responsabilité individuelle, indépendamment de la responsabilité sociétale, parmi des centaines de victimes, certains en sortiront grandis par l’aide qu’ils ont su apporter à d’autres, certains en souffriront, bien peu tout de même, je l’espère, deviendront sous ce seul fait extérieur, infanticides, trois fois, de leur propre chair.


Karyn Nishimura voudrait pouvoir pardonner à Midori. Elle voudrait aussi lui éviter la peine de mort. Renoncer à la peine de mort, à chacun sa conviction, je peux comprendre l’autrice, comme je peux trouver de la pertinence à la lumière qu’elle projette sur certaines des failles de la société Nippone face au désastre nucléaire. Pardonner le triple infanticide, malgré le désarroi de la mère qui les a commis, que l’autrice me pardonne, je ne saurais pas aller jusque-là.


L’Affaire Midori – Editions Picquier ©2024


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La Revue littéraire de Shanghai et d'Orient : ISSN 3074-9832   

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