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Chinoises de Xinran : le récit enfin révélé des femmes de Chine

  • Marguerite Giry
  • 26 déc. 2024
  • 3 min de lecture

Dans un programme nocturne de radio intitulé Mot sur la Brise Nocturne, la journaliste Xinran s’interroge sur le monde des femmes. De 1989 à 1997, elle dédie un moment de son émission pour recevoir au téléphone les Chinoises, les invitant à poser des questions sur la féminité, à partager leurs histoires ou leurs maux. Animée par une quête de reconnaissance, la journaliste va parcourir le territoire avec détermination afin d'interviewer ces femmes, de lever le voile sur leur passé et de les affranchir de ces douleurs silencieuses.


Son premier livre, Chinoises, qu’elle publie au Royaume-Uni en 2002, raconte ses huit années passées à récolter les histoires de ses interlocutrices. A travers quinze témoignages, Xinran offre un tableau bouleversant de la vie des femmes chinoises à la sortie de la révolution culturelle, dans une période de réformes et d’ouverture en Chine. 


D’ordinaire, la parole des femmes n’est pas libérée, et se taire est de coutume. Vient alors l’ardeur de cette journaliste qui défie la pression sociale, la censure et le Parti Communiste Chinois afin de raconter sans tabou les récits des Chinoises. 


« A cette époque, les femmes obéissent aux "trois soumissions et quatre vertus" ; soumissions au père, puis au mari et, après sa mort, au fils ; vertus de fidélité, de charme physique, de décence en paroles et en actes, et d'attention aux soins domestiques. »


Mariages arrangés, féminisme, amour impossible, violences, famine, homosexualité, pauvreté, … Aucun sujet ne fait reculer Xinran qui, avec sa bienveillance, son écoute et sa persévérance, donne vie à ces histoires que les femmes ne s'autorisent pas à confier. 


L’ouvrage offre une version féminine de cette période historique, qui pose la question de la reconstruction post Révolution Culturelle. Comment relever une nation après tant de souffrances, de traumatismes et d’injustices ? Et quand bien même l’économie a pu être relancée, comment réparer les corps et le cœur des femmes meurtris par les tourments et le silence imposés par une société patriarcale ?


Dans son dernier témoignage, Xinran nous emmène dans le centre désertique de la Chine, près de Xi'an, où des peuples vivent encore dans des habitations troglodytes, isolés du reste du monde. La vie des villageois de Colline Hurlante ne ressemble aucunement à celles des Pékinois et des Pékinoises. Accompagnée d’un médecin et de deux confrères, Xinran découvre une extrême pauvreté, un manque flagrant d’accès aux soins et une absence totale de droits des femmes. Ces dernières sont troquées entre villages, « utilisées » par les hommes pour assouvir leurs besoins, souffrent communément de problèmes gynécologiques non traités et n’auront droit à un festin (un œuf dans de l’eau sucrée) que si elles enfantent d’un garçon. 


Xinran. Chinoises. Editions Picquier poche
Xinran. Chinoises. Editions Picquier poche

Pourtant, parmi les centaines de femmes que Xinran a interviewées en dix ans de journalisme, les villageoises de Colline Hurlante, n’ayant pas connaissance d’autres modèles de relations, ont été les seules à lui dire qu’elles étaient heureuses. Quelques mois après ce reportage, en août 1997, Xinran décide d’arrêter le journalisme. Profondément bouleversée par ces femmes, elle s’exile en Angleterre dans l’optique de décrire la vie des femmes de son pays aux Occidentaux. Alors qu’un tel ouvrage lui aurait valu la prison en Chine, Xinran se livre à nous et devient la porte-parole des Chinoises. 


« La Chine a une très longue histoire derrière elle, mais cela fait très peu de temps que les femmes ont pu devenir elles-mêmes et que les hommes ont commencé à les connaître vraiment. »


Parce que l’Histoire oublie bien trop souvent celle des femmes, Chinoises met en lumière cette version que l’on préfère ignorer, jusqu’à devenir amnésique de son existence même. Alors, redonnons aux Chinoises leurs voix et leur place dans l’Histoire de leur propre pays. 


Attention, les sujets évoqués dans ce livre sont particulièrement perturbants. Voici une liste non exhaustive des thèmes abordés : viol, violences conjugales, famine, mort, violences physiques et sexuelles, inceste, infanticide, etc. 


Chinoises est un livre poignant, dur à lire mais nécessaire.


Publié en France par Picquier Poche et traduit de l’anglais par Marie-Odile Probst. 



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La Revue littéraire de Shanghai et d'Orient : ISSN 3074-9832   

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